Un mouvement citoyen pour la refondation d'Haïti
Drapeau de la République d'Haïti - Symbole de notre lutte pour la liberté et la justice
L'histoire de notre pays, en particulier celle de la période récente qui va de 1986 à nos jours, témoigne de la double volonté du peuple haïtien de travailler à la construction d'une citoyenneté organisée et aussi de se regrouper en associations. Car, si aucune dictature n'a pu garder le pouvoir depuis le 7 février 1986, si nos tuteurs internationaux n'ont pu nous imposer, de manière durable, une démocratie de pure façade, nous le devons au combat mené par un réseau informel d'associations et de groupes sociaux divers poursuivant une même quête: la construction d'un pays libre pour un peuple libre, yon pèp ki gramnoun.
En effet, devant l'absence de partis politiques modernes, structures, solidement implantés au niveau national, c'est l'existence de ces multiples organisations et surtout de leur combativité, leur coordination formelle et informelle qui a permis la tenue des premières élections démocratiques dans l'histoire de notre pays, le 16 décembre 1990. Cependant, en s'engageant ainsi directement dans la lutte pour la conquête du pouvoir, puis en subissant de plein fouet la répression qui a suivi le coup d'Etat civilo-militaire du 30 septembre 1991, ce mouvement populaire s'est retrouvé sérieusement affaibli. Cependant, la situation d'extrême précarité économique dans laquelle ces groupes évoluent, combinée à la tendance du pouvoir politique de type oligarchique à coopter des organisations de base c'est-à-dire, à acheter leurs services politiques, tout cela a achevé la débâcle de ce grand mouvement populaire de l'après Duvalier.
Dans le cas qui nous concerne comme pays du Sud confronté à des crises structurelles récurrentes, le fonctionnement harmonieux d'un Etat et d'une société modernes demeure une préoccupation de premier ordre. En ce sens que la faiblesse structurelle de l'Etat et le maintien de la société dans l'arriération et l'archaïsme tendent à éloigner les perspectives d'une intégration des citoyens et citoyennes à la vie économique, politique, sociale et culturelle de la nation. Dès lors, le fossé existant entre villes et campagnes, lettrés et illettrés, riches et pauvres, citadins et paysans ne peut que s'agrandir.
A nos yeux, le momentum pour un grand réveil national est présent. L'expérience que nous venons de vivre dans le pays au cours de ces trente dernières années nous enseigne que la polarisation actuelle risque de nous jeter tous dans le précipice. Nous ne pouvons plus continuer à vivre dans ce chaos social, marqué par l'exclusion et le rejet systématique de la majorité du peuple haïtien. Non! Nous ne pouvons plus continuer à nous considérer comme des Haïtiens dignes de ce nom si nous ne sommes pas capables de répondre ensemble aux grandes urgences du moment. Voilà pourquoi, il s'avère indispensable aujourd'hui que les travailleurs de toutes catégories, citoyens et citoyennes, haïtiens de toutes les générations, de toutes les couches sociales, réalisent que le pays vit un moment très critique de notre histoire et qu'il faut agir dans le sens de la défense de l'intérêt collectif et du sauvetage national.
En nous réclamant de la gauche populaire et de rupture, nous voulons clairement dire que:
Nous sommes un groupe de citoyens et citoyennes haïtiens, travailleurs intellectuels et manuels, conscients du péril national et ayant pris la décision d'agir pour relever le défi qu'est celui de la reconstruction/refondation du pays et cela, malgré nos différences en termes de trajectoire et d'expériences politiques et sociales. Aujourd'hui le regard porté sur le vécu haïtien, notamment à partir des réflexions produites autour des dernières élections qu'a connues le pays notamment celles de 2011, il y a lieu de souligner que:
Haïtiens de partout et de toutes les couches sociales, nous faisons aujourd'hui encore, après deux cent-seize ans «l'indépendance», l'amère constatation que l'objectif de la Révolution haïtienne allant de 1791 à 1804 qui se voulait un combat pour la liberté, l'égalité et la justice devant aboutir à une démocratie sociale, est resté un vœu pieux.
Jusqu'à présent, nous n'avons pas la liberté, ni l'égalité, ni la fraternité, valeurs pour lesquelles nos ancêtres avaient fait 1804. En effet, depuis le triomphe de la contre révolution de 1806, c'est toujours la dictature: dictature urbaine sur la paysannerie, la domination de la majorité par la minorité, le vol, la gabegie et la corruption gangrènent toutes les sphères des institutions nationales, les coups-bas politiques, préjugés de toutes sortes, mise en place d'un Etat vassal «restavèk» qui devient un frein au développement du pays, au progrès social et à l'émancipation du peuple haïtien. Oui, un Etat croupion à caractère mafieux au service exclusif de la minorité oligarchique.
Sur cette question, nous devons être précis. Aujourd'hui, nous nous battons contre un ensemble d'idées, de pratiques et de valeurs égocentriques qui fondent le modèle social haïtien. Un système qui a légitimé l'exclusion systématique de la majorité des citoyens de la vie socio-politique et socio-économique du pays. Nous luttons contre l'Etat oligarchique haïtien qui, depuis sa genèse, a érigé la corruption institutionnalisée en méthode de gestion, la gabegie administrative en système de valeurs, le désordre urbain, la dépendance du pays vis-à-vis des pays étrangers. Nous luttons contre un système social désuet et despotique qui bloque la marche du pays vers la modernité et le progrès, tandis que le peuple haïtien dans sa très grande majorité, s'enfonce chaque jour davantage dans la misère, la crasse, le sous-développement et le désespoir. Oui, nous luttons contre un système social qui produit dans nos villes de plus en plus éclatées, des hommes et des femmes désespérés, rongés par la souffrance d'une vie quotidienne cruelle. Ils sont déshumanisés par un mode de vie inacceptable pour des citoyens du monde vivant au 21ème siècle. S'agissant des ouvriers, ils peinent pour survivre. Car, avec 500 gourdes par jour comme salaire minimum, soit moins de $5 dollars, ils ne pourront jamais répondre aux exigences économiques de cette vie marquée par l'inflation et l'injustice sociale. Voilà pourquoi, les travailleurs doivent s'organiser et s'allier à toutes les autres catégories de la société haïtienne dans un mouvement autonome pour changer cette situation dégradante dans laquelle ils se trouvent aujourd'hui.
Nous nous battons contre ce système social-là, pour qu'ensemble nous puissions arriver à ériger, même dans cette situation de grand dénuement et de sécheresse spirituelle, le nouvel édifice social haïtien qui reconnaîtra notre droit à tous à la vie, à la sécurité et au bien-être. Et dans ce combat difficile, il nous faudra attaquer de plein fouet la question particulière de la corruption qui devient à l'heure actuelle une entrave véritable à l'avancement de la société haïtienne vers le progrès et le bien-être collectif sur la base de nouvelles pratiques sociales. En ce sens, nous ferons de l'éthique un élément central et catalyseur dans notre dispositif de luttes contre les valeurs instituées et pratiquées par les agents de l'Etat oligarchique haïtien. Même la question des alliances sera soumise aux critères de l'éthique sociale et politique.
L'observation qui est faite de la dynamique sociale qui s'est déployée en Amérique Latine durant les cinquante dernières années nous instruit suffisamment sur le fait selon lequel il n'y a jamais eu de «purs mouvements sociaux», mais des «mouvements sociaux mixtes», c'est-à-dire politiques et sociaux. Cette observation met donc en relief le lien nécessaire qui doit exister entre mouvements sociaux et structures politiques. Evidemment, il serait d'une grande portée éducative pour les militants de gauche de la nouvelle génération, qu'une évaluation générale, tant au niveau de la pensée qu'en celui de l'action, soit faite de l'expérience de gauche en Haïti. En attendant, nous devons oser penser le changement sur la base de la dialectique entre actions sociales et perspectives politiques.
Ainsi donc, par rapport aux partis politiques de la gauche traditionnelle, notre mouvement se voudra autonome dans ses orientations, sa ligne idéologique, ses choix tactiques et stratégiques. Mais, il s'agit bien d'une autonomie fondée sur la flexibilité par rapport à l'analyse des phénomènes et faits conjoncturels et structurels. En effet, compte tenu de la double fonction aussi bien des partis que des mouvements sociaux dans la construction et la consolidation de la démocratie, il s'avère de plus en plus indispensable que ces deux instances puissent dialoguer de manière permanente et de façon critique.
Car, les mouvements sociaux tout en étant autonomes en tant qu'instruments de définition et d'organisation des luttes sociales et politiques, doivent avoir des passerelles de dialogues avec les partis politiques, opérateurs institutionnels de mise en œuvre des politiques publiques au niveau de l'Etat, en vue d'aller vers l'institutionnalisation de ces luttes et le renforcement des capacités organisationnelles de la société.
La force de notre mouvement sociopolitique devra résider dans notre capacité à dialoguer avec tout d'abord, tous ceux et celles qui poursuivent les mêmes objectifs que nous et ensuite, avec tous ceux-là qui s'engagent dans des voies autres que les nôtres. Voilà pourquoi, nous voulons mettre l'accent sur cet aspect. Car, en Haïti l'expérience a aussi montré que les dirigeants des principaux partis politiques du pays ne sont pas capables de jouer le jeu des contraires. Le principe de la contradiction dans les débats et les échanges pour une recherche des alternatives doit demeurer une boussole et un baromètre pour nous.
En effet, c'est par le dialogue constructif, l'analyse critique que nous pourrons arriver à aplanir nos divergences et exprimer de façon précise notre position de la gauche populaire et de rupture œuvrant pour la transformation sociale. Il s'avère important d'abandonner le volontarisme qui caractérise assez souvent le mouvement populaire en Haïti afin d'arriver à une claire conscience des défis du moment et une nette compréhension de la réalité concrète (objet même de nos luttes pour le changement) telle qu'elle est vécue par le peuple haïtien dans ses différentes composantes. Nous devons sans cesse engager des discussions profondes sur les projets politiques que nous portons et les objectifs stratégiques que nous visons au regard des défis qui se présentent devant nous aujourd'hui et ceux-là qui se profilent à l'horizon. Tous nos militants, du sommet à la base, sont tenus de cultiver l'esprit de dialogue et de distance critique dans le respect et l'acceptation de l'opinion de l'autre. Pas de suivisme dans notre mouvement !
Le concept de mouvement social peut se définir comme toute mobilisation ou action sociale et politique qui cherche à défendre collectivement des intérêts individuels ou ceux de groupes particuliers comme par exemple ceux des travailleurs. Assez souvent, les mouvements sociaux naissent dans les sociétés marquées par des situations d'injustice ou d'inégalités criantes, comme c'est le cas en Haïti.
Les mouvements sociaux appartiennent donc aux multiples processus historiques par lesquels une société produit son organisation à partir d'un système d'action historique et à travers les conflits de classes, les transactions et accords politiques.
Les mouvements sociaux se localisent donc dans la matrice de la société civile et inscrivent leurs actions dans la perspective du changement social. Aussi, le Mouvement des Travailleurs et des Citoyens en construction cherchera-t-il à travailler avec les différents groupes sociaux (les jeunes, les femmes, les paysans, les chômeurs, les commerçants, les artisans, les groupes socioprofessionnels, toutes les catégories de travailleurs, les bourgeois ayant des idées de progrès, etc.) comme un catalyseur des mobilisations collectives pour la défense de leurs intérêts respectifs, dans une logique de transformation sociale globale.
Le mouvement des Travailleurs et des Citoyens (MTC) devra être l'outil organisationnel de la gauche populaire qui conduira des luttes de rupture et de transformation sociale. Car, comme nous avons pu le constater, les élites oligarques en alliance structurelle avec les libéraux traditionnels et les néolibéraux ont systématiquement détruit la base économique du pays plongeant ainsi les travailleurs dans une situation de très grande précarité qui les empêche de jouir de la plénitude de leurs droits citoyens. L'Etat oligarchique haïtien, en appliquant les différents programmes d'ajustement structurel dictés par le FMI a délibérément provoqué l'effondrement de la paysannerie, démembré les mouvements sociaux traditionnels qui résistaient tant bien que mal aux multiples dérives de cet Etat. Mais que constatons-nous aujourd'hui ?
D'un côté, nous constatons que les luttes sociales deviennent strictement défensives et morales et les luttes politiques de l'autre, deviennent une stratégie et pur calcul mis en avant par des groupes économiques dominants qui se servent de l'Etat pour déployer leurs nouvelles logiques d'accumulation des ressources du pays tout en menant une politique de domination de classes. C'est que, ces deux types de luttes s'inscrivent dans la logique de l'évolution historique du pays mais se croisent de plus en plus.
Or, tant que les deux versants de l'action (le politique et social) resteront séparés, sans liens organiques en termes de vision du monde, il paraît presqu'impossible pour les travailleurs citoyens de faire aboutir leurs revendications fondamentales. Ainsi, est-il essentiel dans le contexte actuel des luttes pour l'émancipation du peuple haïtien, d'œuvrer à l'articulation des luttes politiques et sociales. C'est la tâche première du MTC. Pour atteindre cet objectif, il est dès lors indispensable d'élaborer un projet politique rénovateur et surtout grandiose. Les premiers travaux thématiques de notre mouvement seront justement d'élaborer ce projet-programme politique.
Un principe est une proposition, une idée, une valeur admise comme base d'une argumentation, d'un raisonnement ou tout simplement d'une argumentation. Un principe est donc une règle, une norme qui guide notre comportement et fonde nos actions.
Les membres et militants du Mouvement des Travailleurs et des Citoyens (MTC) doivent être capables de bien différencier le bien du mal, le vrai du faux, le juste de l'injuste. Aux yeux du peuple, nous devons toujours nous efforcer à rendre explicite la justesse de notre position. Par exemple, notre mouvement doit en toutes circonstances, défendre le principe de la solidarité entre tous les ouvriers en tant qu'ils sont des citoyens du monde victimes de l'oppression des classes dominantes et exploiteuses.
Tous nos membres, fondateurs et adhérents, doivent fonder leurs agirs sur l'éthique. Ici, nous parlons de l'éthique du devoir et l'éthique de la responsabilité qui nous rendent tous imputables. En ce sens que chacun de nous doit rendre compte de ce qu'il dit ou fait.
Rappelons que l'éthique désigne les principes ou valeurs à l'état pratique, la forme intériorisée et non consciente de la morale qui règle la vie quotidienne. Elle est définie comme la morale sous sa forme théorique, explicite et systématisée.
En effet, nous vivons dans une société où l'injustice, le mensonge, l'impunité et la délation sont des pratiques courantes. Même l'Etat dans ses pratiques et discours n'est pas épargné. Quand il parle, on ne sait pas quand il dit vrai ou quand il ment. Et le pire, c'est qu'assez souvent l'Etat ment. C'est très grave pour le pays d'arriver à ce stade.
Peuvent faire partie de cette structure d'action sociale militante et citoyenne, tous ceux et celles qui subissent la domination du système social inique actuel et qui reconnaissent aujourd'hui la nécessité de travailler ensemble pour la construction et la vulgarisation en Haïti de nouvelles idées politiques et sociales capables de nous conduire vers une culture de la paix, la démocratie sociale et le progrès en vue de favoriser la participation consciente du peuple haïtien aux décisions qui le concernent. Ainsi, les membres fondateurs et adhérents peuvent-ils être de simples citoyens, de réseaux associatifs, de groupes organisés et des mouvements sociaux brefs, des acteurs sociaux et politiques travaillant à l'intérieur de la société civile.
Le Mouvement des Travailleurs et des Citoyens est généralement constitué d'organisations démocratiques et sociales, de citoyens syndiqués et non syndiqués, des ouvriers agricoles et ceux des manufactures, des réseaux associatifs tant du monde urbain que du monde rural, des intellectuels engagés, des groupements de femmes et de jeunes évoluant à l'intérieur de la société civile.
Cependant, pour en être membre il faut :
Au départ, il convient de souligner que les tâches à accomplir par les militants du mouvement pour son développement et son implantation dans la société haïtienne, seront de nature éducative. En effet, la structure de pilotage du MTC utilisera la pédagogie socialiste pour vulgariser les idées et les projets qu'il porte. En tant que mouvement social et politique se réclamant de la gauche populaire et de rupture, ses premières tâches seront de former les groupes de base à la pensée et à l'action socialistes. Il sera surtout question d'éduquer les travailleurs sur la nécessité de s'organiser et de lutter de façon disciplinée et méthodique pour la satisfaction de leurs revendications fondamentales.
Comme par exemple la défense des droits de tous les travailleurs du pays tant du secteur public que celui du privé, du secteur formel ou de l'informel, des ouvriers des manufactures que des ouvriers agricoles pour :
Le programme d'actions du MTC sera élaboré à l'issue de l'organisation de plusieurs ateliers de travail et de débats contradictoires à très court terme entre les différents camarades de notre mouvement sur les grands enjeux sociétaux actuels et les perspectives de changement en Haïti. Cependant, il convient de le souligner d'entrée de jeu, que ce programme doit d'une part, adresser le problème relatif à la crise de notre modèle sociétal arrivé selon nous à ses limites historiques et, d'autre part, celui portant sur la nécessité de refonder l'Etat sur la base des grandes initiatives suivantes à entreprendre :
MOUVEMENT DES TRAVAILLEURS ET DES CITOYENS